142e congrès, Pau, 2017 - Circulations montagnardes, circulations européennes

mercredi 26 avril 2017 - 09:30


II. La montagne entre centre et périphérie

Sous-thème : II.2. Éloignement des pouvoirs et négociations de l’autonomie

Titre : Frontières fiscales, frontières commerciales : rôle et pouvoir des États de Basse-Navarre

Présidents :
BRUNET Serge
, professeur d'histoire moderne à l'université Paul-Valéry Montpellier 3, membre du laboratoire CRISES (Centre de recherches interdisciplinaire en sciences humaines et sociales de Montpellier), EA 4424, membre honoraire de l'Institut universitaire de France, de l'Académie royale des Belles lettres de Barcelone
CAPOROSSI Olivier , maître de conférences en histoire moderne à l'université de Pau et des pays de l'Adour

Sous l’Ancien Régime les frontières intérieures s’ajoutent aux frontières étatiques. La Basse-Navarre est à cet égard un territoire bien particulier. Petit pays d’État coincé au pied des Pyrénées, elle entretient, depuis sa séparation d’avec la Haute-Navarre en 1512 et sa réunion au royaume de France en 1620, un mirage souverainiste à travers les délibérations de ses États. L’appareil législatif navarrais (fors, coutumes, délibérations) alimentait ainsi une argumentation constamment reproduite : la frontière du royaume était gardée sans aucun frais pour le souverain. En contrepartie, les États de Basse-Navarre exigeaient de celui-ci une tolérance vis-à-vis de leurs échanges avec la Haute-Navarre ainsi que le maintien de leurs avantages fiscaux. Les frontières fiscales et commerciales de la Basse-Navarre sont donc un espace particulièrement surveillé par les États. De 1665 à 1789, nous pouvons ainsi suivre les efforts de l’Assemblée des trois ordres des États pour maintenir ses privilèges et notamment le principe, hérité du Moyen Âge, de l’impôt librement consenti. L’Assemblée des États demande souvent, pour seule réponse, à être déchargée de toute(s) nouvelle(s) imposition(s), voire à la (les) verser sous forme d’un forfait annuel d’imposition, sur la base d’un abonnement qui favoriserait l’autonomie financière du pays. Pour autant, l’étude critique des délibérations nous montre des États occupés à défendre leurs privilèges contre les fermiers du royaume. Nombre de plaintes de particuliers sont ainsi adressées aux États qui ne manquent jamais l’occasion dans leurs cahiers de rappeler au roi, ou à ses représentants locaux, les dispositions fiscales particulières dont jouit la Basse-Navarre. Elle est exempte, depuis l’origine, de foraine, ce droit de traites concernant les échanges commerciaux sur les aliments et les bestiaux. Les délibérations se font ainsi l'écho de la volonté des États de faire respecter la liberté de circulation des Navarrais en dehors de leur royaume et également de veiller à ce qu’il ne soit porté aucune atteinte à leurs droits et privilèges. Les États sont également les défenseurs de l’intégrité territoriale de la Basse-Navarre. Il s’agira ici d’évoquer plus particulièrement la façon dont ils défendent leur territoire contre les atteintes portées à celui-ci par leurs voisins espagnols. La zone frontière des deux Navarre a ceci de particulier qu’elle est constituée par des pâturages entre les forêts du pays de Cize et de la Vallée de Baigorry d’une part et les vallées avoisinantes de Haute Navarre, d’autre part. La frontière n’existe pas au sens de ligne de démarcation, il faut plutôt se représenter ce territoire comme une zone commune où les parties contractantes ont libre droit des herbages et des bois. Ce droit est réglementé par une convention pastorale dite de « faceries ». Mais de part et d’autre de la « frontière » des Pyrénées les accrochages entre les Navarrais du Nord et du Sud sont incessants. Dans les dernières années de l’Ancien Régime, la royauté va s’efforcer de remédier à ces frictions entre Haut et Bas-Navarrais au nom de l’union entre les deux familles royales. Les négociations pour trouver un apaisement aboutissent à un traité où l’intérêt national prime sur le local. Ce traité marque en effet un retour à la conception antique des frontières et supprime en conséquence les « faceries ».

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M. Bertrand AUGÉ, Professeur

Membre de la société savante :
Société des sciences, lettres et arts de Pau et du Béarn, Membre