138e congrès, Rennes, 2013 - Se nourrir. Pratiques et stratégies alimentaires

jeudi 25 avril 2013 - 09:00


Colloque 4 : Les mangeurs du XXIe siècle

Sous-thème : Des régimes alimentaires entre choix et nécessité

Titre : Les jeunes détenus de Fleury-Mérogis et leurs pratiques alimentaires : créer du lien, se distinguer et hiérarchiser

Présidents :
KUCZYNSKI Liliane
, anthropologue, chargée de recherche au Laboratoire d'anthropologie urbaine, CNRS, Institut interdisciplinaire d'anthropologie du contemporain IIAC-EHESS
MARCILLOUX Patrice , maître de conférences en archivistique à l'université d'Angers, vice-doyen de la faculté des lettres, langues et sciences humaines, membre du CERHIO (Centre de recherches historiques de l'Ouest), UMR 6258

Comme dans les maisons de retraite et les hôpitaux où l’on souffre et où l’on s’ennuie, au Centre de jeunes détenus de Fleury-Mérogis, où les garçons n’ont rien à faire, l’alimentation tient une place primordiale dans la vie carcérale : les cantines sont attendues avec impatience, les échanges occupent du matin au soir, et la distribution des trois repas rythme les journées. Mais en prison et chez des adolescents séparés de leur famille et de leurs amis, les biens comestibles permettent bien plus que de compenser un manque affectif.
Les pratiques alimentaires - à travers les échanges constants de denrées, l’exposition en cellule des biens comestibles et l’affirmation par les garçons de leurs goûts lors de la distribution des repas – créent du lien et participent de stratégies de distinction des uns des autres et de hiérarchisation sociale, ainsi que d’un système de classement et d’ordonnancement de l’image sociale de soi et de l’autre. Dans ce lieu de restriction où tout le monde sait qui possède et qui mange quoi, les biens comestibles constituent un capital social certain pour le détenu qui, à travers eux, dit sa capacité à posséder, affirme son pouvoir, se montre, dit qui il est et comment il doit être considéré.
Enfin, grâce à ces biens comestibles, les garçons se détachent quelque peu de l’institution, de son imposition d’identité et de la soumission dans laquelle elle les place, et, pour quelques instants tout au moins, retrouvent figure honorable.

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Mme Léonore LE CAISNE, Ethnologue, chargée de recherche au CNRS, Membre du Centre d'étude des mouvements sociaux (CEMS, EHESS / Institut Marcel Mauss / CNRS)