138e congrès, Rennes, 2013 - Se nourrir. Pratiques et stratégies alimentaires

jeudi 25 avril 2013 - 09:00


Thème VI. Représentations et alimentation

Sous-thème : VI.B. Manger moral, manger sauvage

Titre : Chasser et manger la viande de brousse : des impératifs pratiques à la distinction sociale

Présidents :
DALLA BERNARDINA Sergio
, professeur d'ethnologie à l'université de Brest
LE GOFF Armelle , conservateur général aux Archives nationales, Paris

Construit symboliquement comme constituant le comble du sauvage, notamment au cours du XVIIIe siècle, le continent africain a, dès cette époque, été le théâtre des chasses de quelques voyageurs venus du continent africain. À l’origine principalement destinées à nourrir les membres de l’équipe, ces chasses ont progressivement pris un sens symbolique particulier. Lors des explorations du XIXe siècle, le fait de nourrir les populations devient un marqueur du pouvoir des colons et de leur supériorité. Au tournant des XIXe et XXe siècles, l’importation d’une éthique cynégétique britannique va renforcer la valorisation du trophée au détriment de la viande, marquant ainsi une différence entre les colons et les chasseurs locaux. Cette distinction existe encore de nos jours, puisque les adeptes du safari aiment à souligner la différence entre les méthodes des « braconniers », décrits comme des destructeurs chassant pour la viande, et leur propre façon de faire, qui serait celle de chasseurs respectueux, chassant justement pour le trophée et non pour la viande.
Cet exemple, nourri par une approche relevant de l’anthropologie historique, montre le rôle de marqueur social que peut revêtir le fait de manger de la viande de brousse, permettant de distinguer le « sauvage » du « civilisé ». Ce faisant, il témoigne également de la prégnance de représentations issues de la période coloniale lorsqu’il s’agit de penser le rapport au monde sauvage. Il permet également de souligner la façon dont certains chasseurs contemporains peuvent se rapprocher paradoxalement des végétariens militants, allant parfois jusqu’à refuser de tuer l’animal dans le cadre du « green hunting ».

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M. Maxime MICHAUD, Docteur en anthropologie sociale et culturelle, Chercheur associé au Centre de recherches et d’études anthropologiques (CREA), université Lumière - Lyon II