138e congrès, Rennes, 2013 - Se nourrir. Pratiques et stratégies alimentaires

mardi 23 avril 2013 - 14:00


Colloque 1 : Histoire de l'alimentation humaine : entre choix et contraintes

Sous-thème : 1.A. Contraintes environnementales

Titre : Les Vikings au Groenland : adaptation et vulnérabilité aux contraintes environnementales

Présidents :
DUPONT Catherine
, chargée de recherche CNRS, membre de l'UMR 6566, CReAAH (Centre de recherche en archéologie, archéosciences, histoire), université de Rennes I, Rennes II, Nantes, Le Mans et ministère de la Culture
MARCIGNY Cyril , archéologue de l'INRAP (Institut national de recherches archéologiques préventives)

Le sud du Groenland, où s’installa en 986 la colonie viking dite de l’Eastern settlement, demeure une région hostile à l’agriculture. Les conditions climatiques difficiles ont évidemment conditionné la pratique agricole mais aussi son évolution au cours des cinq siècles de la colonisation viking. Malgré ces contraintes, les colonies se sont rapidement développées, jusqu’à compter 3 000 individus répartis dans environ 500 fermes. L’établissement du Sud a pris très vite de l’importance et comprenait une cathédrale, une douzaine d’églises, 190 à 220 fermes de dimensions variées concentrées majoritairement autour des fjords d’Igaliku et de Tunulliarfik. La chronologie de l’abandon des colonies viking (entre 1400 et 1450) est moins précise que celle de leur création, et elle est encore sujette à débats.
Les études paléoenvironnementales multi-paramètres menées ces dernières années par le laboratoire Chrono-environnement ont permis de mieux cerner l’évolution des pratiques agropastorales et leur adaptation face aux premières manifestations du Petit âge glaciaire. À la lumière de nos récentes études sur le lac d’Igaliku, situé dans la zone la plus densément peuplée de la colonie du Sud-Ouest, l’impact de l’homme se traduit de différentes manières, en fonction des paramètres abordés (Gauthier et al., 2010 ; Perren et al., 2012 ; Massa et al., 2012a ; Bichet et al., 2012 ; Bichet et al., sous presse). Une chronologie fine, établie à partir de 18 datations 14C et des mesures 210Pb et 137Cs, permet d'évaluer très précisément les changements de la végétation et les flux détritiques qui arrivent au fond du lac. L’introduction du bétail et la création de prés de fauche sont ainsi à l’origine d’une accélération de l’érosion qui atteint jusqu'à 10 mm par siècle, ce qui est deux fois plus important que l’érosion naturelle. Un grand nombre de paramètres biogéochimiques (Ti, concentration en diatomées, rapport C/N, 813C et 815N…) confirment l’origine anthropique de cette érosion. Pourtant, dès 1320, les spores de champignons coprophiles (marqueurs du pastoralisme) et l’érosion diminuent. Ces résultats font alors douter du scénario du surpâturage médiéval qui, entraînant la dégradation définitive des terres, aurait été le facteur majeur de l’abandon des colonies. L’analyse des diatomées montre également que les activités humaines développées dans le bassin versant n’ont pas affecté l’écosystème lacustre. Plus de 100 ans avant leur disparition définitive du Groenland, les Vikings avaient déjà changé de mode vie et tenté de s’adapter aux changements environnementaux.
Co-auteurs : Hervé Richard, Vincent Bichet, Charly Massa, Typhaine Guillemot, Mathieu Olivier, Laurent Millet, Bianca, Perren, Christophe Petit

--
Mme Émilie GAUTHIER, Maître de conférences en plaéoenvironnement à l'université de Franche-Comté, Membre du laboratoire Chrono-environnement (UMR 624, CNRS)

Membre de la société savante :
Association des palynologues de langue française, Membre