24/04/2018 - La ministre Frédérique Vidal inaugure le congrès du CTHS
Madame la Ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, Frédérique Vidal, a prononcé un discours d'ouverture le 23 avril 2018, à 14 heures. Elle a rappelé le rôle fondamental des sociétés savantes dans le paysage de la recherche contemporaine.

Seul le prononcé fait foi Monsieur le Vice –chancelier de l’académie de Paris, cher Stefano Bosi Madame la maire adjointe, chère Marie-Christine Lemardeley Monsieur le Président du CTHS Monsieur le Délégué Général Monsieur le Président du conseil scientifique Monsieur le Président de l’Ecole des chartes, Madame la Directrice de l’Ecole des chartes  Monsieur le vice-président de l’INALCO Mesdames et messieurs les Présidents et directeurs Mesdames et messieurs les enseignants Mesdames et Messieurs Je suis ravie d’être parmi vous aujourd’hui pour ouvrir le 143ème Congrès du Comité des Travaux Historiques et Scientifiques. C’est un évènement unique dans l’agenda de la communauté de la recherche que vous représentez, porté par une institution qui n’est pas moins unique. Sa singularité, le CTHS la doit à sa capacité de créer du lien, entre les disciplines, entre les territoires, entre les acteurs du savoir, et c’est ce lien qui fait la cohésion, la résistance et la force d’entraînement de l’entreprise scientifique. La science peut porter les promesses de progrès les plus ambitieuses mais sans l’adhésion de la société, elles resteront lettres mortes. Le monde de demain, ce qu’il exige de savoirs, de créativité et d’esprit critique, n’autorise pas de fracture entre les citoyens et les chercheurs. C’est ce dialogue entre la science et la société que le CTHS nourrit, clarifie et facilite. Et nous en avons grand besoin dans une société qui confond faits scientifiques et fausses nouvelles. Vous créez, chers membres, chercheurs, enseignants-chercheurs, conservateurs, des passerelles entre la communauté scientifique et la communauté qui aime la science et fait aimer la science. Or c’est ce chemin qu’emprunte le savoir pour aller à la rencontre du grand public. Le CTHS, au travers de ses différents projets d’édition ou de production de connaissances, orchestre ces différents passages de témoin : du scientifique vers l’érudit, de l’érudit vers le citoyen. Vous ajoutez désormais à cette chaîne de la connaissance un maillon incontournable pour toucher un public plus large encore : les enseignants du 2nd degré, comme en témoigne la participation de l’association des professeurs d’histoire-géographie et des Clionautes aux travaux de ce 143ème Congrès. Le CTHS alimente ainsi deux canaux majeurs de la diffusion des connaissances au sein de la société : - le continuum entre la recherche, l’enseignement supérieur et l’enseignement du 2nd degré, auquel je suis très attachée et qui est au cœur de la loi sur l’orientation et la réussite des étudiants  - le continuum entre les professionnels de la science et les amateurs éclairés. Ces érudits sont amoureux de la science comme les philosophes le sont de la sagesse : avec méthode. C’est pourquoi les associations au sein desquels ils se réunissent ne sont pas des sociétés de savoir, mais bien des sociétés savantes, qui entendent construire des connaissances avec exigence et discernement. Leur réseau forme un maillage savant du territoire national et c’est une exception française que nous devons cultiver si nous voulons rapprocher la recherche et le citoyen et faire de la société française du 21ème siècle une société de la connaissance. En effet, notre pays est riche de 3000 sociétés savantes qui rassemblent 700 000 membres : ce sont 700 000 ambassadeurs potentiels de la science auprès de nos concitoyens, qu’ils pourront sensibiliser à ses enjeux pour le quotidien et pour l’avenir. Mais les sociétés savantes sont bien davantage que des messagères de la communauté scientifique. Ce sont des actrices de la vie intellectuelle de leur région et de leur territoire. Ancrées dans un territoire, dans une culture locale et dans un patrimoine qu’elles font vivre et découvrir, elles donnent aussi au savoir un visage familier. Elles incarnent une science de proximité, qui parle au citoyen de son environnement immédiat, du lieu où il vit, de ce qu’il a sous les yeux tous les jours, pour lui en révéler l’épaisseur historique et culturelle. Les sociétés savantes ne sont pas des clubs fermés ou des salons réservés à une élite : elles vont désormais au-devant du grand public, en suivant de plus en plus la voie numérique. Et je ne pense pas uniquement à la création de leur site internet ou à la numérisation de leur périodique mais à des partenariats innovants : en alimentant l’application Weekisto qui propose de géo-localiser l’Histoire, les sociétés savantes contribuent à la création de circuits touristiques de qualité et au développement économique et culturel des territoires. Cette démarche citoyenne et digitale est au cœur d’un renouveau des sociétés savantes, encouragé par le CTHS. Il les accompagne dans leur appropriation des outils numériques, et au-delà, dans une ambition qui projette définitivement les sociétés savantes vers l’avenir, vers la science participative. En effet, les sociétés savantes associent de plus en plus les citoyens à leurs projets et c’est très bien ainsi, mettant ainsi en pratique cette pensée de Benjamin Franklin qui ne me quitte pas en tant que professeur : « Tu me dis, j’oublie. Tu m’enseignes, je me souviens. Tu m’impliques, je retiens ». Le CTHS soutient encore davantage ces initiatives en décernant aux associations savantes un prix qui récompense la mise en place, la restauration ou la rénovation d’un élément patrimonial en collaboration étroite avec les habitants. Favoriser la co-construction du savoir est l’une de vos missions essentielles, chers membres. Et c’est un moyen de bâtir une société de la connaissance solide parce que solidaire, dans laquelle chacun se reconnaîtra parce qu’il y aura apporté sa pierre. Au-delà de l’implication de chacun, la cohésion de cette œuvre collective dépend d’une autre condition : le respect de la diversité des savoirs. La pluralité des connaissances est la garante de l’innovation, tandis que leur uniformisation conduit à la stérilisation et à l’immobilisme des sociétés. Le CTHS le sait bien, lui qui fédère ces foyers de la connaissance locale que sont les sociétés savantes. Fortes de leurs bibliothèques, de leurs hôtels particuliers, de leurs chapelles , parfois juste de leur passion pour la science, à la fois conservatoires et laboratoires, elles archivent, valorisent et produisent des savoirs locaux qui font la richesse scientifique nationale. Le dictionnaire topographique de la France, coordonné par le CTHS, en est une belle illustration. Ce matin, j’ai posé la première pierre du Campus Condorcet : je souhaite que l’installation du CTHS sur le plus grand campus européen jamais construit pour les sciences humaines et sociales permette d’intensifier encore davantage les échanges entre les sociétés savantes et le monde de la recherche, que leurs fonds, parfois uniques, puissent être numérisés pour alimenter les bases de données mises à disposition des chercheurs et qu’inversement, les érudits locaux puissent aussi être associés aux grands projets nationaux, européens et internationaux qui seront portés par le Campus. Car c’est cette interaction entre le local et l’international, c’est cet arc du savoir qui formera, j’en suis convaincue, l’axe de développement de notre pays. C’est parce que je crois profondément dans la fécondité et l’excellence scientifique des territoires que je souhaite également valoriser les recherches académiques qui y sont conduites en sciences humaines et sociales. Entendons-nous bien, le savoir est une fin en soi et il mérite d’être poursuivi pour lui-même. Mais il n’en a pas moins des effets sociaux, des effets que nous devons aussi savoir cultiver : car comprendre le monde, c’est aussi se donner les moyens de le transformer. Sans les SHS, on ne pourra pas relever les grands défis climatiques, énergétiques, migratoires, sanitaires, que le 21ème siècle nous réserve. Les SHS détiennent donc les clés de notre avenir. Or cet avenir ne peut se jouer dans un seul campus, fût-il unique en Europe : c’est sur la synergie, la mobilisation et l’engagement de tous nos sites universitaires, de toutes nos forces scientifiques, qu’il repose. C’est pour soutenir cet effort que j’ai décidé d’investir spécifiquement cette année 5 millions d’euros au titre du renforcement des moyens de recherche en SHS, en complément des 20M€ affectés à l’ensemble des autres disciplines. Afin que ces moyens puisse bénéficier au développement des SHS dans l’ensemble de leurs dimensions et dans l’ensemble de notre pays, j’ai souhaité les affecter au travers de 4 vecteurs: - 1M€ est affecté à l’ensemble des 23 Maisons du réseau des Maisons des sciences de l’Homme qui maille le territoire national afin de conforter leur rôle d’interface entre les acteurs académiques, leurs partenaires socio-économiques et les Très grandes infrastructures de recherche, et de renforcer leur rôle d’incubateur de projets interdisciplinaires régionaux, nationaux, européens et internationaux. - Afin d’accompagner les SHS dans leur tournant numérique, 1 million d’euros sont répartis sur les plateformes universitaires de données destinées à faciliter l’appropriation des technologies digitales par les enseignants chercheurs, les chercheurs et les étudiants. L’usage des data, la maîtrise des outils informatiques et statistiques transforment l’approche méthodologique des SHS et dotent les étudiants de nouvelles compétences. C’est pourquoi nous devons renforcer encore les outils mis à la disposition des scientifiques et des étudiants. - Enfin, la qualité et le rayonnement mondial de la recherche française en SHS sont mis en exergue au sein de nos 40 Laboratoires d’excellence intensifs en SHS et de nos 4 Instituts d’études avancées qui touchent très largement la communauté de recherche SHS: 600 000 euros sont répartis entre les IEA de Lyon, Marseille, Nantes et Paris afin de faciliter une approche internationale de nouvelles problématiques tandis que 2,4M€ supplémentaires sont répartis vers les équipes et projets de recherche qui relèvent du champ des SHS. Vous l’aurez compris, Mesdames et Messieurs, ce que nous souhaitons favoriser, c’est le décloisonnement et la rencontre féconde des approches et des disciplines. Non pas qu’il faille tout confondre ou passer outre l’identité propre de chaque discipline, mais parce que le dialogue organisé entre les concepts, entre les approches, entre les personnalités aussi, est au cœur de tout progrès dans les sciences humaines et sociales. Je sais combien ces préoccupations sont également chères au CTHS et le congrès d’aujourd’hui en est la preuve : d’abord parce qu’il met à l’honneur la diversité et la collaboration, en croisant les points de vue d’universitaires et d’érudits, mais aussi de jeunes docteurs, et je suis très sensible à l’attention particulière que le CTHS leur porte. Ensuite, parce qu’il favorise l’interdisciplinarité, en faisant dialoguer des représentants de toutes les périodes de l’histoire et de tous les pans de la connaissance, jusqu’aux sciences exactes. Enfin, parce qu’il les réunit cette année sur le thème de la transmission. Ce thème si important : quiconque s’est trouvé en face d’un amphithéâtre de première année a pu constater le public très divers qui le compose et ne peut prétendre que l’hétérogénéité n’existe pas. Il est de notre devoir d’accompagner cette hétérogénéité de culture et cette hétérogénéité d’intelligence et de mobiliser la transmission des savoirs au service de la réussite des étudiants. Car la transmission, c’est cette traversée du savoir qui franchit toutes les frontières et toutes les barrières, celle de l’indifférence, celle de la défiance parfois, pour aller toucher tous les publics, le citoyen comme le politique, est le défi ultime des sciences humaines et sociales aujourd’hui. Je vous remercie et je vous souhaite d’excellents travaux.