138e congrès, Rennes, 2013 - Se nourrir. Pratiques et stratégies alimentaires

mardi 23 avril 2013 - 14:00


Colloque 1 : Histoire de l'alimentation humaine : entre choix et contraintes

Sous-thème : 1.A. Contraintes environnementales

Titre : L'alimentation carnée à Kerma (Soudan) entre 2600 et 1500 avant J.-C. : contraintes environnementales et démographiques

Présidents :
DUPONT Catherine
, chargée de recherche CNRS, membre de l'UMR 6566, CReAAH (Centre de recherche en archéologie, archéosciences, histoire), université de Rennes I, Rennes II, Nantes, Le Mans et ministère de la Culture
MARCIGNY Cyril , archéologue de l'INRAP (Institut national de recherches archéologiques préventives)

Kerma, capitale d’un vaste et puissant royaume au nord du Soudan qui s’est développé entre 2600 et 1500 ans avant J.-C, témoigne d’une culture avancée, mêlant influences africaines et égyptiennes.
Les fouilles de la ville antique et du cimetière ont livré un abondant matériel, en particulier des restes animaux. Dans la ville, les ossements mis au jour permettent de se faire une idée précise de l’alimentation carnée des habitants. Dans la nécropole, les très nombreux vestiges animaux sont liés aux rites funéraires.
L’alimentation carnée à Kerma est basée essentiellement sur le bœuf et les caprinés domestiques (chèvre et mouton). L’étude diachronique des trois grandes phases de cette culture montre qu’entre le Kerma ancien (2600-2050 avant J.-C.) et le Kerma classique (1750-1500 avant J.-C.) le bœuf perd progressivement de l’importance au profit des moutons et des chèvres. Dans la nécropole, les animaux du cheptel sont également présents, les caprinés déposés entiers à l’intérieur des tombes alors que le bœuf est symbolisé par des bucranes disposés en croissant au sud de la sépulture. Dans certaines sépultures du Kerma moyen, leur nombre peut dépasser 5000.
À la fin du Kerma moyen, vers 1800 avant J.-C., les bucranes deviennent rares et dans les grandes tombes princières du Kerma classique, il n’en reste que quelques dizaines. Par contre, on assiste, contre toute attente, à un développement des sacrifices humains qui peuvent se chiffrer par centaines dans certains cas.
Nous pensons que l’aridification progressive de la zone dès 2200 avant J.-C, liée à un accroissement considérable des populations humaines, peuvent expliquer la raréfaction du bœuf alors que moutons et chèvres deviennent les éléments dominants du cheptel, comme aujourd’hui.

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M. Louis CHAIX, Professeur émérite de l'université de Genève, Conservateur honoraire du Muséum d'histoire naturelle de Genève