138e congrès, Rennes, 2013 - Se nourrir. Pratiques et stratégies alimentaires

jeudi 25 avril 2013 - 14:00


Colloque 4 : Les mangeurs du XXIe siècle

Sous-thème : Stratégies et bricolages identitaires

Titre : Le ravioli, un aliment mongol traditionnel ? Stratégie d'appropriation et bricolage identitaire en Mongolie contemporaine

Président : PINGEOT Anne, conservateur général honoraire du patrimoine

Le régime alimentaire des Mongols repose encore sur les produits issus de l’élevage, la viande et les produits laitiers, qui sont des aliments traditionnels, socialement valorisés. Cependant, les céréales sont aujourd’hui omniprésentes et élémentaires dans les pratiques alimentaires. En particulier, les raviolis sont intégrés dans le système de valorisation des aliments, parce qu’ils possèdent les caractéristiques essentielles des produits laitiers et de la viande, en raison de leur double constitution. En effet, les raviolis sont composés d’une enveloppe de pâte de farine blanche, la couleur du lait incarnant la fête, le renouveau et plus récemment le rôle d’agent purificateur, et d’une garniture de viande fraîche et grasse, l’élément qui nourrit. En conséquent, ils interviennent dans des pratiques qui impliquent un ensemble de croyances bouddhiques et chamaniques, notamment la notion de mérite, communément de « multitude », la notion de bonheur que les familles doivent accumuler, ainsi que la notion de fermeture et d'ouverture (de la période de deuil/de la re-socialisation de la famille, de l’ancienne/de la nouvelle année). Pour les familles, l’enjeu consiste à favoriser le sort de l’âme de leurs morts en effectuant des actions méritantes. En retour, leurs actions méritantes assureront une bonne renaissance à leur âme. Une bonne renaissance bouddhique consiste à renaître dans le corps d’un humain pour préserver, selon d’anciennes croyances chamaniques, la perpétuation du lignage et la reproduction de la société. Cet article mettra en évidence comment les familles justifient la préparation, la consommation et l’offrande de ce nouvel aliment, le ravioli, et comment elles nient l’origine chinoise de ce plat, et la maîtrise technique de nouveaux ustensiles, outils, savoirs et savoir-faire culinaires, pour soutenir leurs croyances relatives à l’âme et à la renaissance de l’âme. Ainsi, les familles confèrent aux raviolis un statut d’aliment traditionnel mongol et leur attribuent un rôle dans la réalisation de rituels (célébration du Nouvel An, funérailles). À travers l’étude de l’introduction d’une nouvelle catégorie d’aliments, les céréales, l’article mettra l’accent sur les interrelations entre alimentation, religion et politique.

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Mme Sandrine RUHLMANN, Docteur en ethnologie