138e congrès, Rennes, 2013 - Se nourrir. Pratiques et stratégies alimentaires

mardi 23 avril 2013 - 09:00


Colloque 5 : Les relations entre alimentation et protection sociale

Sous-thème : 5.A. Les pathologies alimentaires

Titre : La mortalité des nourrissons par les diarrhées à la fin du XIXe siècle : un véritable fléau de santé publique et une protection sociale au Parlement

Présidents :
GUILLAUME Pierre
, professeur émérite d'histoire contemporaine de l'université Bordeaux III
JODEAU-BELLE Laetitia , maîtresse de conférences en psychopathologie et psychologie clinique, laboratoire 4050 Recherches en psychopathologie : nouveaux symptômes et lien social, université Rennes II

Malgré une politique d’éducation et de prise en charge infantile certaine pendant tout le XIXe siècle particulièrement féconde, grâce notamment aux structures et aux initiatives de l’Assistance publique, les médecins hygiénistes dès les débuts de la Troisième République, constatent une très forte mortalité des nourrissons avant l’âge d’un an. Les enfants sont touchés par les maladies que nous connaissons tous bien comme la rougeole, la coqueluche, les oreillons, la scarlatine, la diphtérie et les convulsions. Il existe cependant d’autres problèmes très cruciaux caractéristiques de l’époque qui affectent directement ces jeunes enfants, à savoir le manque de soins maternels, l’absence d’hygiène et une alimentation inadaptée, la mise en nourrice, les conditions de vie pénibles des classes laborieuses et de façon générale, une mauvaise alimentation. Ce sont les constats des médecins sur le terrain, au regard des chiffres d’une mortinatalité infantile très importante qui fait l’objet d’une attention très suivie à l’Assemblée nationale pour donner une loi sur la protection de ces enfants du premier âge le 24 janvier 1874 et puis une seconde loi, celle du 24 juillet 1889, relative à la protection des enfants maltraités et moralement abandonnés par le médecin législateur Théophile Roussel, représentant du département de la Lozère et président de la Société protectrice de l’enfance. De 1864 à 1874, la mortalité générale des enfants de moins d'un an s’élève à 39%. De 1874 où apparaît la loi Roussel à 1883, elle tombe à 27% ; de 1884 à 1893 à 21%. En 1894, elle tombe à 13%. Les spécialistes critiquent l’hécatombe provoquée par le système de nourrices, pratique qui touche les bébés des femmes allaitantes qui partent à Paris alimenter les enfants de bonnes familles tandis que les petits Parisiens sont soustraits du giron familial pour être nourris au sein par une nourrice adoptive à la campagne. Mais il est un milieu social dans lequel deux ou trois jours après la délivrance, les femmes retournent à l’usine faisant ainsi tarir leur lait et remettant leurs nourrissons à des mains étrangères, soumis à une hygiène critique et à une alimentation pas toujours bénéfique qui les font succomber dans des proportions inquiétantes. Enfin la dernière explication de la mortinatalité s’explique par l’utilisation du biberon qui aurait contribué à déclencher des diarrhées fréquentes du fait d’une mauvaise utilisation, d’une hygiène relative et d’une composition de lait artificiel, d’origine humaine, animale ou chimique, quand il ne s’agit pas de remettre en question l’existence de la tétine en caoutchouc !

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Mme Isabelle CAVÉ, Doctorante en histoire sociale à l'École des hautes en sciences sociales (EHESS)

Membre de la société savante :
Comité d'histoire de la sécurité sociale, Membre